dimanche 16 juin 2019

Don Quichotte du LVA

Cela fait un p'tit moment que rien n'a été publié sur le blog. 
Parce que le temps passe, et que les nouvelles données vite fait sur la page Facebook sont à l'instar des réseaux sociaux : brusques, émotionnelles, narcissiques, passionnées. 

J'ai besoin de (me) poser (pour faire) un petit bilan des derniers mois écoulés, des joies, des déceptions et des réalités. 




Septembre 2018: Arrivée en Ardèche, la fleur au fusil, emplies de projets et d'idéaux. 
Peut-être trop. Avec un certain manque de réalisme. 

Novembre 2018: Nous trouvons la ferme "Lou Poustat" à Villefort en Lozère.
Avec un enthousiasme infaillible, nous nous jetons à corps perdu dans les démarches : rencontre de tous les partenaires, rédaction du projet, business plan, devis travaux, ... 
C'est long, ça prend des mois, mais ça prend forme aussi.  
Et puis finalement, non. 
Problèmes de charpente, surcoût financier, pas possible pour nous. 
Après six mois à imaginer notre projet dans ce lieu, c'est le temps du deuil et de la reconstruction. 
Après tout, ce n'est pas si grave. On s'en veut un peu de ne pas avoir exploré d'autres possibles plus tôt, mais on repart plus motivées que jamais. 

Avril-Mai-Juin 2019 : On visite des dizaines de biens, on rencontre un expert-comptable, on sollicite les conseils départementaux du Gard et de l'Ardèche, en plus de la Lozère, parce qu'on ne sait pas vraiment où on va atterrir, on avale les kilomètres, on vogue entre les départements. 
On se dit "Là c'est bien". Mais en fait non. On se re dit "Là c'est bien". Et en fait toujours pas.
On rencontre des gens extraordinaires dans des maisons magiques, mais qui ne peuvent pas correspondre au projet. 
On reprend la route, passant de Rhône-Alpes à Occitanie. On voyage ! 
On a hâte de trouver, que le projet prenne forme, on a hâte, vraiment hâte. 

Le Conseil Départemental d'Ardèche dit "ok sur le principe pour l'agrément si vous habitez en Ardèche". La Lozère avait dit pareil. 
Youplaboum ! Le projet trouve un écho auprès des institutions ! 
Le Gard quant à lui ne donne pas suite, "Pas de besoin" dit-il. Mais la PJJ (Protection Judiciaire de la Jeunesse) est partante. Donc, ça va le faire.  

A force de pérégrinations, on trouve un nouveau lieu pour accueillir RACINET[H]IQUE : une maison dans le Gard limite Ardèche, avec tout ce qu'il faut pour accueillir chèvres, jeunes et touristes. Alors, on n'attend pas. Parce qu'on a hâte. Et on fait une offre d'achat. 
L'offre est acceptée par les vendeurs, on signe un compromis de vente. 
C'est reparti pour le ballet des banques! 

Rdv avec l'expert-comptable, on refait tout : business plan, plan de financement initial, plan de trésorerie mensuelle, besoins du territoire, photos, plans, devis, ... On prend des rendez-vous. 
On re sollicite le Département, qui ne répond pas. Mais c'est pas grave, on pourra bosser avec la PJJ. 
On renvoit le dossier aux banques, on a besoin d'un gros prêt immobilier. Mais on y croit, et on est prête à s'engager sur 20 ans avec de gros remboursement, et un petit salaire. 

Il y a quelques jours, la douche froide. 
La PJJ ne peut pas nous assurer qu'elle bossera avec nous. 
Et si on n'a pas d'agrément du Conseil Départemental, ce ne sera carrément pas du tout possible. 
Et notre statut juridique pose problème. 
Et bla, et bla, et bla. 

Et on a signé un compromis.

Bref.

J'ai envie de vous parler de ces choix de statut juridique, même si c'est pas le truc le plus funky-glamour du monde. Parce que, c'est un choix réfléchi et engagé mais qui est très mal perçu par les institutions. 
Nous avons choisi de créer une SARL. 
Alors oui, une société à vocation commerciale qui accueille des jeunes dont les séjours de rupture sont financés par de l'argent public, ça peut poser question. 
Alors, pourquoi ce choix ? Pour plusieurs raisons. 
1) Tout d'abord et tout simplement parce qu'on ne veut plus être salariées.
Nous avons quitté nos emplois de salariées pour fuir les institutions et leurs mécanismes pathogènes. 
Si nous avions décidé de passer par le système associatif, ou SCOP, nous aurions forcément dû être salariées. Et donc non décisionnaires. 
Le statut de SARL nous permet d'être gérantes à 50/50, de choisir notre rémunération et notre temps de travail. 
Nous avons décidé de nous verser maximum un SMIC chacune lorsque cela sera possible (au bout de 3 ans environ) pour un temps de travail H24 pour l'accompagnement des jeunes. Tout cela est écrit noir sur blanc dans notre projet. 
Alors, quand on nous dit que le statut de SARL ne prône pas l'éthique et le non-lucratif contrairement à l'associatif, je l'ai un peu en travers à vrai dire. 

2) La statut de SARL nous permet d'accueillir des jeunes ET des touristes. 
C'est un des fondements de notre projet : la mixité sociale, arrêter de parquer les gamins dans des lieux fermés mais au contraire les ouvrir aux rencontres et à la simplicité de la vie. 

3) Le statut de SARL nous permet aussi d'organiser les événements à la ferme : concert ou café-philo dans la bergerie, fête des voisins, ... Événements dont les jeunes seront partie-prenante, voire organisateurs en fonction de leurs envies. Et ainsi s'ancrer dans une vie locale, sans avoir cette étiquette de jeune délinquant qui leur colle à la peau. 

Bref (encore). 

Maintenant, place au doute, à l'inquiétude, à l'incertitude. 
Place à l'angoisse et à la peur. 
Peur de faire le mauvais choix. Peur de se lancer. 
Faut-il y aller quand même ? Faut-il acheter ce bien sans aucune certitude de pouvoir y développer notre projet ? 
Faut-il renoncer ? 
Faut-il voir plus petit et ailleurs ? 
Faut-il ? Faut-il ? Faut-il ? 

Comme l'impression de se battre contre des moulins à vent. 
Comme l'impression de retomber dans l'immobilisme institutionnel où tout n'est que politique et budget. 



Heureusement, on a des bébés chèvres. 




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