Génèse du projet


Comme le disait Boutinet dans son Anthropologie du projet, « chaque homme, pour vivre, a besoin d’un projet qui le porte en avant et donne une dimension à son existence, sinon il en découle une absence de futur, le vide et l’inquiétude ».

Un projet, ça prend du temps. Ça se pense, se repense, se tord, se lisse, s’embrouille et s’embourbe, se construit et se déconstruit. Pour finalement laisser parler le désir d’un ailleurs, d’un souffle d’air et de l’odeur d’une fleur.
Un projet, ça paraît compliqué. Et quand ça devient réel et concret, il n’y a rien de plus simple, excitant, bouleversant et inquiétant que de se lancer.
Un projet, c’est toute une vie et juste un bout qu’on aperçoit par la lorgnette.
C’est un grand tout dans un petit rien.

Depuis 7 ans, nous caressions ce doux rêve de partir vivre dans les Cévennes d’Ardèche. Mais quand? Comment? Où? Pour y faire quoi? étaient les questions insolubles qui restaient en suspens et permettaient de reléguer constamment le projet à l’utopie. C’était quelque part plus rassurant de se dire rêveuses plutôt qu’irresponsables !

Et puis les années 2016 et 2017 sont arrivées. Avec leurs lots de complexité.

2016.
Premier achat immobilier, un appartement en haut de villa avec un très beau jardin fruitier. Le compromis parfait entre réalité financière et rêve de maison indépendante. Avec cet achat, tous les espoirs d’une vie d’adulte: travaux, aménagement, projections dans une vie de famille, avancées professionnelles et augmentation de salaire.
Un train-train citadin avec un potager dans le jardin, trois chats et une nouvelle voiture.
Des vacances tous les six mois, en Ardèche méridionale, côté Cévennes, comme toujours depuis sept ans.
La vie la plus banale des bobos citadins, qui mangent bio –  mais pas trop – , font le tri des déchets parce que c’est bon pour la planète et achètent leurs fringues à H&M, ont construit un composteur en bois de palette – et des carrés potagers – , fabriquent leur propre lessive, ont une voiture par personne, bossent 10 heures par jour à la DASS (comme on disait avant), s’autorisent un Mc Do une fois comme ça en culpabilisant, se soignent avec de la phyto et de l’homéo, et font le ménage au vinaigre blanc.

2017.
Patatra.
Le quotidien boboïsant s’effondre.
Nouveaux locataires dans l’appartement du rez-de-chaussée: musique à fond jours et nuits, cris, hurlements, meubles tirés, insultes, menaces, travaux en pleine nuit, agressions verbales. 
Claire intention de nuire.
Appels hebdomadaires à la police qui ne se déplace pas (z’ont autres choses à faire dans une grande ville que de se soucier de « troubles du voisinage »).
Lettres recommandées avec accusé de réception. Constats d’huissier. Vidéos. Main-courantes. Plaintes. Saisine d’un avocat. Procès.
Angoisse permanente.
En parallèle, nouvelles directions au boulot. Perte de sens du travail. Une collègue craque. Violence institutionnelle. Critiques. Reproches. Besoin de changement. Reprise d’études. Nouveau projet professionnel. Nécessité de quitter l’éducation spécialisée et ces associations-entreprises du CAC 40. 

2018.
Début d'année, on décide de mettre en vente notre appartement. Trop de mauvais souvenirs et de projections gâchées.
On s’accorde un petit week-end en Cévennes pour couper de tout ça.
On rencontre des gens extraordinaires. Des chevriers magiques qui, un jour il y a quelques années, ont fait ce pari : partir de la ville et construire autre chose dans les Cévennes. 
Bim Bam Boum.
Le déclic. 
Si on ne ne le fait pas maintenant, on ne le fera jamais.
Finalement, quel sens cela aurait de vendre notre appart pour reprendre une location dans cette ville qu'on ne supporte pas et continuer nos métiers qui nous étouffent? 

Alors, voilà, c'est parti.
En avant pour les Chroniques d'un aller sans retour dans les Cévennes!

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